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Expérimentations, innovations, nouveaux projets
Réduction des Risques Alcool

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témoignages et retours sur expériences
Maison La Garenne Blois / ASLD - Oppélia VRS

Maison La Garenne / ASLD - Oppélia VRS [Blois]

Témoignages Manu, Delphine, Julien et Manon - respectivement, éducateur technique spécialisé et coordinateur du dispositif, infirmière, psychologue,  éducatrice spécialisée - ont accepté de partager leurs expériences d’intégration de l’approche Réduction des Risques Alcool dans leurs pratiques sur le terrain.

Manu Gallier-Meunier : coordonne ce dispositif. Il est éducateur technique spécialisé, anciennement menuisier, il a travaillé plusieurs années à la clinique de Laborde.

Delphine Pradier : infirmière dans la maison exerce également sur le CSAPA-CAARUD 

Manon Lory : éducatrice spécialisée dans la maison.

Julien Gogué : psychologue clinicien, il intervient également au CMP de l’hôpital de Blois.

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La Maison La Garenne est un nouveau lieu d’habitat adapté qui a ouvert en juillet 2022 à Blois. C’est un dispositif expérimental qui répond à un appel à manifestation d’intérêt pour la mise en place de projets d’accompagnement de personnes en situation de grande marginalité dans le cadre d’un lieu de vie innovant à dimension collective, soutenu par le Fonds de lutte contre les addictions. Ce dispositif est piloté par un groupement associatif : Association ASLD Accueil, Soutien et Lutte contre les Détresses ; CSAPA/CAARUD Oppelia-VRS ; Centre Hospitalier de Blois.

" C’est un lieu d’habitat où l’accueil a été pensé en équipe pour accompagner des personnes qui ont vécu à la rue et qui ont essorées toutes les structures de droit commun. Pour réussir cet accueil, il nous a fallu quelques prérequis et une levée de certains interdits communs aux structures classiques : nous autorisons les consommations d’alcool dans la maison (espaces communs et les lieux privatifs), les animaux de compagnie sont acceptés, le lieu est mixte et les couples sont admis. La maison a une capacité d’accueil de 10 Habitants.

Et si on parlait d’alcool ?

En équipe, nous ne connaissions pas cette manière de regarder l’alcool et de considérer les personnes qui consomment. Nous avons été formé à l’approche Réduction des Risques Alcool et soutenu pour l’intégrer dans la maison et dans nos pratiques avec des ateliers de « Fabrique de la pratique RdR Alcool » animée par l’association santé!

Nous expérimentons au quotidien l’accompagnement de personnes consommatrices d’alcool en individuel et dans le collectif. Petit à petit, la RdR Alcool montre sa pertinence.

Manon - Avant d’arriver sur ce dispositif, j’intervenais en CHRS et en accueil de jour dans lesquels l’alcool était interdit. Même si à l’époque cela me questionnait beaucoup. Le contraste est donc intéressant pour moi.

J’avais assisté là-bas à beaucoup de problèmes que nous mettions sur le dos de l’alcool, sans trop y regarder de plus près.

C’était donc nouveau pour moi d’imaginer autoriser l’alcool dans la maison. Je crois, avec ces deux expériences, qu’il y a beaucoup de représentations sur l’alcool et des craintes qui dans la réalité ne sont pas fondées.

Delphine - Depuis la formation RdR alcool, j’ai cette image en tête pour guider mon intervention : l’alcool c’est un peu comme un pansement sur une plaie. Si on l’enlève d’un seul coup, la plaie en dessous est à vif et la douleur est terrible. Je crois qu’il faut prendre le temps et faire en sorte que petit à petit la plaie cicatrise pour ensuite retirer le pansement tout doucement et peut être laisser un petit film sur la plaie.

Manu - Pour l’équipe, autoriser la consommation d’alcool dans la maison, de manière collective mais aussi individuelle, c’est mettre en œuvre à la fois de la souplesse et de la rigueur. C’est pas juste open bar. Pas juste une promenade ou pas juste rigolo, c’est comme trouver le point de flottaison : ne pas être sous la bière ou sur la bière ! C’est une réflexion et une construction continue en équipe pour tout le temps tenir le cap, construire le cadre, l’équilibre et la tranquillité de la maison et surtout être au plus près de ce que vit une personne et son rapport au monde.

La RdR alcool pour vous c’est quoi ?

Manu - Nous avons construit en équipe des arguments RdR Alcool dès l’accueil d’une nouvelle personne qui sont beaucoup plus évidents aujourd’hui pour nous. On verbalise par exemple qu’ici dans le lieu de vie, dans les espaces collectifs la consommation est autorisée, qu’il n’y a pas besoin de se cacher pour consommer. On rappelle aussi à la personne qu’elle peut consommer chez elle, qu’on ne la jugera pas, que ce sujet n’est pas tabou et que quand elle le souhaitera, on pourra l’accompagner à mieux équilibrer ses consommations. Il y a un travail de déconstruction à mener qui prend un peu de temps, comme un préalable : les personnes n’ont connu que les interdits concernant leur consommation dans les lieux d’accueil et s’en veulent beaucoup d’avoir recours à l’alcool. On peut aussi dire à une personne que si cette consommation existe, qu’elle fait partie de sa vie alors il faut la prendre en considération, parce qu’elle influence toutes les dimensions  de sa vie.

Delphine – Depuis la découverte de la RdR Alcool, je me suis mise à beaucoup parler avec les habitants de leurs consommations. Ils en parlent librement aujourd’hui, parce qu’ils peuvent boire dans la maison de façon libre, sans se cacher. Ils ont vérifié qu’il n’y avait aucun jugement, à la différence de ce qu’ils avaient vécu avant, une manière d’être regardé qui pouvait être terrible. Ce qui est étonnant, voir paradoxal, c’est que ça limite les consommations. La liberté de boire leur permet de boire mieux, et même de boire moins !

Organiser les consommations d’alcool pour réduire les risques et sécuriser les mises en danger…

Delphine - Je pense à la manière dont nous avons de mettre en discussion les pratiques de consommation et de soutenir chacun dans une meilleure gestion. L’objectif de notre accompagnement c’est qu’il y ait moins de prises de risques. Concrètement ça veut dire que nous les accompagnons à organiser leur consommation. Nous identifions avec chacun leur manière de consommer et nous organisons les courses, l’achat, le stockage et la mise à disposition et ensuite on fait retour avec eux. Nous vérifions ensemble si ça fonctionne mieux, si ça leur convient . Il me semble qu’en seulement une année les habitants ont stabilisé et même diminué les quantités d’alcool consommées. On est plus à l’aise aujourd’hui, ce temps de sécurisation est donc plus rapide. Nous avons vérifié qu’ils avaient besoin de notre soutien, en les aidant dans leur budget par exemple, ou en les accompagnant à retrouver un rythme de vie dans la maison.

Manu - Je crois que pour comprendre l’apport de la RdR Alcool, le plus simple c’est de le donner à voir concrètement. En arrivant dans la maison, monsieur C avait une consommation très désorganisée et le dix du mois il n’avait plus d’argent, avec beaucoup d’alcool bu en début de mois, de nombreuses mises en danger et après le dix il se retrouvait en manque d’alcool. Au début en équipe, nous avions décidé d’avoir à disposition des bières de secours pour éviter aux personnes de se retrouver en manque. Les deux premiers mois nous lui avons fourni et distribué quelques bières chaque jour. Ce qui a été positif dans cette expérience c’est que ça a permis une accroche et un lien de confiance en plus de le soulager psychiquement et somatiquement. Mais peut-être que si c’était à refaire nous le ferions différemment. Je crois qu’au début on n’était pas assez à l’aise pour lui proposer directement un accompagnement à l’organisation de ses consommations et de son budget. Cette entrée en matière a été pour nous, un levier pour lui proposer de stocker ses bières, une première évaluation de ses besoins a pu avoir lieu, ce qui nous a permis de l’accompagner à acheter, stocker et réorganiser son budget. En un an, il est parvenu à équilibrer autrement sa consommation, sans rupture d’alcool et en la diminuant de manière quotidienne. Sans cette autorisation de consommer dans la maison, il serait venu mais n’aurait pas pu rester et se poser. Pour conclure sur cette expérience, avec le recul, je crois qu’on a perdu du temps à lui faire des dons d’alcool. Maintenant, l’équipe propose plus vite de soutenir une organisation des consommations. Aujourd’hui, on bénéficie également des autres habitants qui donnent à voir ce que produit la RdR Alcool.

Julien - Les habitants savent que j’accueille les consommations, que je prends le temps avec eux de les regarder attentivement, de les parler. Je suis une sorte d’interprète pour les accompagner à mettre des mots sur des émotions. Je les soutiens également de manière très concrète : aller faire des courses, chercher et trouver la bonne organisation, continuer à penser et parler durant tous ces actes du quotidien. Je dirais aujourd’hui que l’alcool est un indice qui me met sur la voie pour saisir ce que souvent les personnes ne peuvent plus nous dire. Concernant l’alcool, je continue à apprendre avec eux, j’écoute, je les soutiens pour mettre des mots, accéder à des émotions, je tente de sécuriser grâce à un cadre thérapeutique rassurant. L’alliance est rapide avec ce partage du quotidien.

Prendre en compte tous les besoins…

Manon - L’accompagnement RdR a des conséquences heureuses mais pas que. Ça nécessite d’accepter d’accompagner les moments où les états d’ivresse peuvent être intenses, les matins où les personnes vont parfois très mal, les chutes ou les blessures et les altercations. Mais tout ça survenait aussi dans des lieux où l’interdit régnait, avec la confiance et l’alliance en moins et ça ça change tout pour pacifier et régler des conflits. La consommation a été un élément nouveau à intégrer dans l’accompagnement, à la fois libérateur de la parole, facilitateur de création d’un lien de confiance. C’est un changement non négligeable dans ma pratique, considérer les consommations et considérer les habitants aussi au travers de ce prisme.

Delphine - Je suis aussi celle qui dans la maison aborde de manière spécifique la dimension somatique et les parcours de soin. Je les accompagne à leurs rdv médicaux ou à l’hôpital, d’abord pour qu’ils parviennent à y aller, mais aussi parfois pour les aider à dire que pour le moment ils ne souhaitent pas arrêter l’alcool. Quand je suis là, les soignants entendent que pour le moment ils ne peuvent pas ou ne veulent arrêter. Avec toutes ces précautions les habitants acceptent maintenant d’avoir recours au soin. Il faut aussi être attentif à l’observance ou la prise de nouveaux traitements. Leurs états de santé sont très dégradés et pour la plupart ils sont fâchés avec le soin parce qu’ils ont eu souvent des expériences très négatives.

Julien - Comme mes collègues, je passe beaucoup de temps dans la maison et je partage des moments de vie avec les habitants. Ma clinique se nourrie du lien que je construis avec les habitants et d’une observation très fine sur la manière dont ils ont de vivre dans la maison, celle d’être en lien, la manière dont ils ont de raconter cette vie aujourd’hui, mais aussi celle d’avant. C’est une place inhabituelle pour un psychologue. Ma clinique se construit in situ, en allant vers eux. Je crois que ce quotidien me donne un accès beaucoup plus direct et plus profond à une multitude d’informations : émotions, ressentis, souffrances, leurs manières d’être en lien avec nous et les autres habitants. Leurs histoires sont parsemées de ruptures, d’abandons, de violences.

Manu - En fait nous avons constaté que si on s’occupait de l’alcool alors ça avait aussi un impact positif sur le budget, l’alimentation, la vie quotidienne dans la maison, le lien avec les autres. C’est comme si l’alcool était une prothèse et que si tu ne l’incorpores pas, si tu ne prends pas cette prothèse en considération alors ton regard de soignant oblitère un paramètre. C’est une des composante à prendre en compte pour construire nos accompagnements.

Delphine - Nous avons aujourd’hui un an et demi d’expérience, on avance avec chaque habitant, en équipe et avec le collectif aussi, ça prend du temps mais des améliorations sont là, les habitants se sentent mieux, il y a moins d’angoisse, ils sont plus paisibles, plus tranquilles, comme leurs consommations. Je crois qu’on remet de l’ordre tout doucement dans la désorganisation ambiante. Nous tenons en équipe une ligne malgré les turbulences.

Pour conclure

L’équipe considère qu’il y a une dimension politique dans le choix d’intervenir dans ce type de lieu, de construire cet accueil qui se revendique avant tout hospitalier, en faisant aussi une place aux consommations. Que tout ça nécessite un travail d’équipe qui doit continuellement s’ajuster, se remettre en question pour créer les conditions d’un habitat à la hauteur des besoins des personnes.

novembre 2023

Nouvel outil d'amélioration des pratiques professionnelles publié par la Haute Autorité de Santé : Agir en premier recours pour diminuer le risque alcool. Repérer tous les usages et accompagner chaque personne

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Responsable du déploiement des pratiques RdR Alcool

                 Alcool et Réduction des Risques - Marseille

La Haute Autorité de Santé m’a sollicitée pour participer au groupe d’experts mobilisé entre avril 2022 et juin 2023 pour élaborer des « Recommandations de bonnes pratiques professionnelles pour le suivi des personnes présentant une consommation au-delà des nouveaux repères de consommation d’alcool à moindre risque » dans l'objectif de réaliser une Fiche point clés.

Nos travaux ont abouti à la publication du guide complété d'annexes et d'un argumentaire :  "Agir en premier recours pour diminuer le risque alcool. Repérer tous les usages et accompagner chaque personne".

Les travaux de la H.A.S : contribution d'Emmanuelle Latourte Association Santé!

Ma participation a été l’occasion de mettre à disposition des membres du groupe, mon expertise RdR Alcool issue en grande partie des travaux de l’association santé! Alcool et RdR, dispositif marseillais d’ingénierie sociale.

Cette expertise collective portée par santé! depuis 2016 est le résultat d'observations, de collaborations et de mise en œuvre de nouvelles pratiques d'accompagnement ou de conduite du changement qui positionne désormais santé! comme un acteur majeur de l’approche RdR Alcool. L'association est soutenue par le Fonds de lutte contre les addictions et l’ARS PACA.

Cette expertise est basée sur des travaux d’ingénierie portant sur l’applicabilité du concept RdR Alcool via l'élaboration de méthodes d’intervention RdR Alcool. L'objectif étant de décliner sur le terrain l’offre de soin RdR Alcool et de l’intégrer dans les pratiques professionnelles du secteur sanitaire et médico-social.

Mon intérêt pendant ces groupes de travail a été de défendre l’approche et les pratiques de RdR Alcool comme des véritables leviers opérants pour :

  • enrichir l’offre de soin existante, la proposer partout, à toutes les personnes concernées par des prises de risques liées aux consommations d’alcool.

  • améliorer la qualité de vie des personnes consommatrices d’alcool : ici et maintenant

  • faciliter un recours plus précoce au soin, dès la survenue des premiers risques, sans attendre l’aggravation des situations

  • favoriser l’inclusion de personnes qui subissent au quotidien isolement et stigmatisation

  • renforcer leur pouvoir d’agir et en finir avec la fatalité

J'ai porté une attention particulière à ce que les recommandations proposées dans ce guide (les orientations et les outils d’amélioration) soient le plus en adéquation possible avec les pratiques et les besoins de terrain. Il y a en effet actuellement de nombreuses attentes, de nombreuses sollicitations et des demandes d’outillage de la part des professionnels pour mieux identifier et mieux repérer les enjeux et les implications dans leurs pratiques et mieux concrétiser leurs objectifs de mise en œuvre.

Mon objectif tout au long de notre travail en commun a également été de valoriser l'approche RdR Alcool en tant qu'outil de diversification de l'offre de soutien à proposer aux personnes concernées. 

En ce sens, ce guide acte des évolutions et des transformations majeures pour notre secteur.

Pour nous, acteurs la RdR Alcool, l'essentiel reste que ces recommandations puissent aborder la question des consommations d'alcool comme un sujet de santé comme les autres et agir sur les représentations sociales encore présentes qui entravent l'accès aux soins et contribuent à l'aggravation des situations.

Il met également au-devant de la scène « les Risques » pour prendre en compte toutes les personnes consommatrices, toutes les pratiques de consommation, à tous les âges de la vie.

Avec ce guide se dessinent des nouvelles orientations qui ouvrent de nouveaux champs d’expertises !

Le Yucca - Groupe SOS

Le YUCCA - Mise en place d'un protocole pré-délirium Trémens
Groupe SOS 

▶ avec la collaboration de Mathieu Papin 

Educateur spécialisé

Le CAARUD Le Yucca est situé à Bondy. L’équipe est composée d’un  infirmier et de six travailleurs sociaux. La file active est d’environ 190 personnes et les 4 permanences collectives hebdomadaires réunissent en moyenne 25 personnes. Les usagers sont pour la majorité en situation de grande précarité et consomment de l’alcool. Certains ne consomment pas de drogues illicites et fréquentent le lieu pour son ambiance et les services proposés.

Conscient des besoins spécifiques liés à la consommation d'alcool parmi ses usagers, le centre a mis en place un projet visant à offrir un cadre sécurisant pour la consommation d'alcool et un protocole pour faire face aux risques liés au manque d’alcool. Ce protocole a été élaboré par l’infirmière du CAARUD en lienavec le médecin addictologue référent. Il a par la suite été validé par le conseil scientifique du groupe SOS.

Mise en Place du "Projet Alcool" à travers une expérimentation de l'autorisation de consommer

Suite à un déménagement, l'équipe a lancé une expérimentation pour tester l'autorisation de la consommation d'alcool dans le centre. motivée par l'observation fréquente de situations d'alcoolisations insécurisées quotidiennement devant et aux abords du CAARUD qui favorisaient les prises de risques et les incidents et  nuisaient aux relations avec le voisinage.

Cette expérimentation aux résultats positifs, a donné lieu à l'ancrage de l'autorisation de la consommation d'alcool dans le centre Une charte a été établie en collaboration avec les usagers pour définir un cadre et des règles liés à la consommation d’alcool.

Prise en compte les risques liés aux sevrages subis et recherche d'un Protocole Pré-Delirium Tremens (Pré-DT)

En complément de l'autorisation de la consommation d'alcool, dont l’effet a été reconnu comme très positif, l'équipe a identifié la nécessité de prendre en compte un besoin spécifique supplémentaire lié au manque d'alcool. Des incidents étaient réguliers et les réponses «bricolées»  apportées aux personnes apparaissaient insatisfaisantes.

A la recherche de réponses adaptées, et à la suite d’une formation avec le Docteur Danièle Casanova, médecin addictologue, l’équipe a décidé d’élaborer un protocole  repérant pour faire face à ces épisodes réguliers.

C’est ainsi que l’équipe a protocolisé la délivrance d’alcool, sous conditions, pour aider la personne se trouvant en situation de manque subis.

Le protocole comprend une première phase de repérage sur la base de signes cliniques, puis une phase d’évaluation approfondie sur la base d'u questionnaire du contexte dans lequel se trouve la personne (à quand remonte la dernière consommation ? Quelles sont les habitudes ? Qu’a vécu la personnes ces dernières heures ? etc.) et de son état physique.
En fonction des réponses, la personne peut se voir proposer de l’alcool, potentiellement en plusieurs fois, jusqu’à que son état s’améliore. L’équipe a comme consigne, en cas de doutes, de contacter le SAMU pour s'appuyer sur un avis médical.

A chaque épisode la pratique est revue avec la personne afin de mieux repérer ses risques liés au manque d’alcool et qu’il soit fait retour de manière concertée sur la réponse que l’institution a apportée. La mise en œuvre de ce protocole est mené par l’ensemble de l’équipe,  sensibilisée aux risques liés au manque et est formée au repérage des signes cliniques qui peuvent être causés par un sevrage subis. 

Les Résultats et les Avantages pour les Usagers et l’équipe

La mise en place de ce protocole pré-DT a eu des effets positifs. On constate une diminution significative des appels aux pompiers et des situations de manque problématique. Les usagers sont mieux préparés pour faire face au manque d'alcool et sont plus autonomes pour se soutenir mutuellement en cas de besoin. Une sensibilisation régulière est effectuée auprès des usagers afin de les informer sur la détection précoce du manque, tant pour eux que pour leur entourage. Enfin l’équipe est plus rassurée et plus sereine lorsque un tel incident se produit.

L'équipe cherche à favoriser une approche bienveillante et la sécurité des usagers pour réduire les risques associés au manque d'alcool. 

mai 2023

La construction d'un corpus des pratiques RdRD-Alcool
Association Aux Captifs, La Libération

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Aux Captifs La Libération est une association catholique créée à Paris  en 1981 par le Père Patrick Giros. Elle va à la rencontre et accompagne des personnes sans-abri et des personnes en situation de prostitution. En 2023 elle comprend, entre autres, 8 lieux d’accueils de jour, une colocation solidaire sur Paris et a des projets de déploiement avancés en province.

Par François Bregou

Directeur opérationnel du pôle précarité et exclusion

Faisant le constat que les personnes accompagnées qui consomment de l’alcool rencontraient plus de difficultés que celles qui n’en consomment pas, notamment dans l’accès aux soins, elle a décidé en 2015 de créer le programme Marcel Olivier (PMO) : le « programme alcool » de l’association. Il était initialement composé :

  • d’un accueil de jour spécifiquement adapté aux personnes sans domicile fixe ayant suivi une cure et des soins de suite (Espace Marcel Olivier - EMO),

  • du travail d’une psychologue addictologue intervenant sur plusieurs lieux pour aller à la rencontre des consommateurs afin de soutenir les personnes et les professionnels dans la juste intégration de la consommation dans l’accompagnement global.

Le projet, initialement pensé pour soutenir les personnes dans leur démarche d’arrêt s’est orienté vers une approche par la réduction des risques et des dommages sur la base de plusieurs constats :

  • L’arrêt des consommations d’alcool est une possibilité que beaucoup ne peuvent envisager.

  • Avoir des échanges apaisés et transparents autour de la question de l’alcool ne va pas de soi et nécessite un contexte adapté.

  • Les consommateurs d’alcool ont des besoins spécifiques auxquels on ne peut répondre pleinement sans les accueillir avec leurs consommations.

  • Interdire aux personnes de consommer, particulièrement dans les hébergements, ne repose sur aucune base légale.

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L'ouverture du premier lieu d'accueil parisien n'interdisant pas la consommation d'alcool

Ainsi, fin 2018 l’Espace Marcel Olivier devenait le premier lieu d’accueil parisien à ne pas interdire les consommations d’alcool en son sein, quelques mois après que le CHS Valgiros (collocation solidaire) ait aussi levé cette interdiction. Ainsi le PMO poursuivait la mise en œuvre de pratiques en RdRD-A.

La mise en œuvre de la RDRD-A – sous diverses modalités - a été vécu comme bénéfique par les intervenants, se sentant dans de meilleures conditions pour remplir leurs missions, et par les personnes, trouvant un soutien plus adapté à leurs attentes.

La question de la pérennisation, du déploiement et de l’amélioration continue de ces bonnes pratiques dans toute l’association s’est donc logiquement posée et est devenue un enjeu associatif.

Concernant le déploiement, le PMO a fait le constat d’un terreau fertile. Une partie des salariés et bénévoles avaient été sensibilisés ou formés à l’application de la RdRD-A lors de formations internes. Le travail de la psychologue addictologue est reconnu partout où elle intervient et a permis aux professionnels d’adopter des postures conformes à l’approche de la RdRD-A même quand l’alcool est interdit sur les lieux d’accueil. La capacité des Captifs à accueillir et accompagner les consommateurs d’alcool les plus précaires ayant des conduites à risques (sans abris, comorbidités psychiatriques et somatiques…) est reconnue tant en interne qu’en externe. L’enjeu au sein de l’associtiion est donc plus d’outiller les intervenants pour qu’ils mettent en œuvre des postures et pratiques de RdRD-A que de faire évoluer leurs représentations sur la consommation d’alcool dans le champs de la grande précarité.

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Concernant la pérennisation de ce programme, l’un des enjeux est de faire face au turnover des ressources humaines.. L’ expertise acquise part en même temps que les personnes. Il est apparu dès lors nécessaire d’inscrire cette expertise à l’échelle associative à travers des écrits et des documents professionnels.

Concernant l’amélioration continue de ces pratiques, il convenait de les modéliser pour les confronter à l’expertise de partenaires médicaux et médico-sociaux et en d’évaluer la pertinence en termes d’amélioration de la qualité de vie des personnes accompagnées.

La création d'un Corpus des Pratiques

C’est notamment pour ces raisons que le PMO a construit un « Corpus des Pratiques RdRD-A Aux captifs, La Libération ». Il contient deux documents introductifs. Le premier présente l’approche par la RdRD-A telle que conçue par l’association, un deuxième répertorie les principaux risques et dommages subis par les personnes consommatrices accompagnées et le moyen d’y répondre en terme de postures et de pratiques. Le reste du corpus est composé de fiches dédiées à une pratique spécifique que mettent en œuvre régulièrement les intervenants de l’association. Il peut s’agir d’un accompagnement physique, de l’organisation d’une activité ou d’un séjour, de l’organisation d’un accueil avec alcool ou encore de tournées-rue.

L’association l’utilise aujourd’hui cet outil pour pérenniser et déployer les pratiques de RdRD-A en son sein. Les équipes sont sensibilisées à l’approche par la RdRD-A par les professionnels du PMO lors de temps dédiés et ceux-ci restent une ressource mobilisable dès que nécessaire. Les fiches pratiques sont présentées aux professionnels en groupe de travail et ils peuvent ensuite les consulter avant ou après avoir mis en œuvre une action. Ces procédés permettent aux intervenants d’avoir rapidement des repères et de vérifier tout au long de leur engagement qu’ils sont en phase avec les pratiques promues par l’association.

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C’est également un outil vivant amené à évoluer en continu. Il peut être enrichi par l’expertise de partenaires (addictologues, psychiatres, travailleurs sociaux ou médico-sociaux) lors de groupes de travail et de celle acquise par les Captifs au fur et à mesure de la mise en œuvre. Celle-ci est évaluée par un cabinet de recherche dont les résultats influeront sur son contenu ou son utilisation. Enfin il est voué à s’adapter aux futures réalités de terrains auxquelles seront confrontés les intervenants de l’association

Aux Captifs: une culture du partage et une expertise de la rencontre

Au-delà de cet outils, la RdRD-A s’inscrit dans une culture et une expertise globale concernant l’entrée en relation avec les plus exclus. L’association la conceptualise et met en œuvre depuis plus de 40 ans. Le rôle des  intervenants (salariés et bénévoles) est en priorité la création d’un lien de confiance qui si tisse progressivement entre  l’intervenant et la personne accompagnée, lien qui pourra aboutir à une relation bienveillante de personne à personne. C’est cette alliance qui pourra être le déclencheur et le socle d’un accompagnement global. Pour se faire, les membres de l’association vont chaque semaine dans la rue, sur le même parcours de tournée-rue, par binômes stables et les mains nues (la relation avant la prestation), à la rencontre des personnes en grande précarité. Cette approche gratuite et fidèle favorise l’entrée en relation et l’invitation à participer aux permanences d’accueil où elles trouveront du soutien. La RdRD-A permet aujourd’hui aux membres de l’association d’être encore plus près des besoins fondamentaux des personnes de la rue, dont font partie le fait de se sentir considérés, accueillis et accompagnés tels qu’elles sont sans que la consommation d’alcool soit un frein.

Dans une volonté globale d’améliorer la prise en considération et la prise en charge des personnes de la rue, l’association Aux captifs, La Libération et le Programme Marcel Olivier sont enthousiastes et disposés à l’idée de témoigner de leur expérience en RdRD-A auprès des personnes de la rue et de confronter, dans une logique d’enrichissement et d’ajustement, leur expertise à celle de partenaires.

Association Aux Captifs, La Libération
Une nouvelle recrue dans l'équpe SOLALE - Bienvenue à Léo Cloarec

Une nouvelle recrue dans l'équipe SOLALE 
Association Santé! Alcool et Réduction des Risques 

 Léo CLOAREC

Chargé de diffusion - Plateforme SOLALE

Association Santé! Alcool et RdR

Je rejoins l’équipe de Santé Alcool et Réduction des Risques après avoir travaillé pendant 4 ans en
tant que responsable d’accueil de jour pour personnes en situation de grande précarité (
Espace Marcel Olivier - EMO) et avoir été en charge du développement des pratiques RdR Alcool, pour
l’association
Aux Captifs La Libération.
C’est à travers des stages, notamment dans le
CAARUD Asud Mars Says Yeah, que j’ai découvert
l’approche par la Réduction des Risques et des Dommages. Une fois mon master en gestion de projet
dans l’Economie Sociale et Solidaire obtenu c’est tout naturellement que j’ai souhaité travailler dans
ce domaine. Lors de mes recherches, j’ai découvert que cette approche ne s’appliquait pas qu’aux
usagers de drogues illicites. La RdR Alcool était, encore plus qu’aujourd’hui, émergente mais l’intérêt
de son déploiement m’est immédiatement apparu.
C’est ainsi que j’ai postulé et obtenu le poste cité plus haut et par la suite un
DU en addictologie et comorbidités psychiatriques.

Pendant ces quatre années j’ai eu la chance de participer activement au développement et à la pérennisation de l’EMO ainsi qu’au déploiement de la RdR Alcool dans l’association.

En 2019, lorsque je rejoins l’EMO, celui-ci était le seul lieu d’accueil parisien à accueillir les personnes avec leurs consommations et l’autorisation officielle avait moins de 3 mois. Bien qu’en avance sur son temps le projet souffrait d’un manque de visibilité auprès des partenaires et des personnes susceptibles d’y trouver du soutien. 

La première mission a été de faire connaitre cette espace et faire entendre son intérêt aux partenaires et financeurs. Rapidement, le service a trouvé une audience et une reconnaissance, il a donc fallu y pérenniser les pratiques de RdR Alcool. Ce travail s’est fait collectivement et progressivement avec les professionnels en place. D’abord en créant des écrits professionnels sur chacune des pratiques de RdR Alcool existante sur l’Espace, leur sens et leurs modalités de mise en œuvre. Ensuite en mettant en place des procédures d’intégration et de formation continue permettant aux équipes de monter en compétences ou d’améliorer leurs pratiques.

Fort du succès du service auprès des partenaires, des financeurs et avant tout des personnes, l’association a décidé d’entreprendre cette démarche de rédaction à l’échelle institutionnelle avec un double objectifs :

  • Pérenniser les bonnes pratiques existantes dans l’association (la RdR Alcool était aussi mise en place dans le service d’hébergement)

  • Diffuser les bonnes pratiques RdR-A dans toute l’association et auprès de partenaires.

Ce travail a été réalisé en collaboration avec les professionnels du Programme Marcel Olivier (programme transverse de RdR Alcool de l’association). Il est confronté aux regards critiques de partenaires pour l’améliorer. Il sert aujourd’hui de socle à l’association pour diffuser, affiner et évaluer les pratiques de RdR Alcool. Aujourd’hui un lieu d’accueil supplémentaire a ouvert la consommation d’alcool dans le service et deux autres lieux d’accueil ont engagé une démarche de changement. Plus largement tous les membres de l’association tendent à adopter des postures ajustés avec les consommateurs que ce soit dans les services, lors des maraudes ou pendant des sorties.

C’est fort de cette expérience de terrain, de réflexion et d’ingénierie sociale que je rejoins Santé Alcool et Réduction des Risques où je serai chargé de diffusion RdR Alcool. J'espère ainsi pouvoir contribuer au déploiement de cette approche, conformément aux orientations publiques.  

Projet FRRAP - Groupe SOS

Projet FRRAP [Former Réduire les Risques Accompagner Prévenir] 
Groupe SOS 

Présentation du projet FRRAP, ses objectifs et ses enjeux 
Quentin Dubourg, chef de projets, pilote du projet FRRAP

 Qu'est ce que le projet FRRAP et  quels sont ses enjeux ?

De nombreux professionnels des structures d’hébergement se trouvent souvent démunis face à des consommations massives d’alcool ou de substances psychoactives et ne savent pas toujours comment aborder cette question avec le public accompagné.
Mal comprises et mal gérées, ces conduites peuvent complexifier l’organisation de l’accueil, de l’accompagnement individuel et de la vie collective en établissement, tout en dégradant rapidement l’état de santé et la précarité économique des personnes hébergées consommatrices.

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Soutenir la dynamique d’innovation, 
répondre aux enjeux de l'accueil inconditionnel
et renforcer les coopérations

En lien avec le principe de l’accueil inconditionnel et afin de fluidifier et renforcer les coopérations entre le secteur de l’accueil, de l’hébergement et de l’insertion (AHI) et le secteur spécialisé en addictologie, un fort besoin de formation, d’outillage et d’accompagnement des établissements et professionnels de l’AHI sur les enjeux de l’addiction et spécifiquement de la réduction des risques alcool est aujourd’hui exprimé.

Le projet FRRAP a été lauréat en 2021 d’un appel à projet soutenu par le fonds national de lutte contre les addictions et la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal). Porté par le Groupe SOS sur deux ans dans 3 régions et 5 territoires (Seine Maritime, Eure, Gard, Hérault, Bouches du Rhône, Alpes Maritime), Il vise également à être pérennisé au-delà de 2023 et s’appuie ainsi sur une évaluation d’impact structurée et coordonnée avec d’autres partenaires institutionnels nationaux lauréats de l’appel à projets sur des programmes portant sur les mêmes enjeux : Fédération Addictions, Fédération des Acteurs de la Solidarités et Croix Rouge Française.

Quelle organisation avez-vous mis en œuvre pour répondre à ces nouveaux enjeux ?

Sur chaque territoire, un binôme de chargés de projet complémentaires (infirmier.e et travailleur.se social.e) a été recruté pour déployer le projet et être mis à disposition d’établissements AHI partenaires et volontaires pour bénéficier d'un accompagnement. Plus de 60% des établissements ne font pas partie du Groupe SOS.

Concrètement, cette mise à disposition est organisée généralement sur un temps de présence hebdomadaire (ou bi-mensuelle) dans chaque établissement sur une durée totale moyenne de 12 à 18 mois. Le plan d’action est adapté à chaque établissement, pour prendre en compte l’ensemble des enjeux et contraintes organisationnelles. Il fait suite à une phase de diagnostic auprès des directions et des équipes de professionnels. A ce jour, nous accompagnons près de 45 établissements et plus de 300 professionnels sur les trois régions. 

Des binômes de chargés de projet sur chaque territoire,  
en appui aux établissements partenaires volontaires

Une coordination nationale pour piloter et orienter le projet complétée par une démarche qualité et évaluation 

La grande majorité des chargé.es de projet avaient tous une expérience conséquente de l’addictologie et de la réduction des risques et avaient également eu des expériences dans le secteur de l’AHI. Leur changement de positionnement professionnel, d’un accompagnement des publics vers un accompagnement des professionnels et des structures dans des approches de RDR Alcool, a été facilité par l’accompagnement de Santé! qui a formé l’équipe à la méthode ICI ! particulièrement adaptée pour leur travail. La coordination nationale, que j’ai le plaisir d’animer aux côtés d’une chargée de mission qualité et évaluation qui structure notamment l’évaluation d’impact du projet, veille également à leur outillage quotidien et à leur maitrise de la gestion de projet et des relations partenariales.  

Quel est le rôle des chargés de projets FRRAP ?

Les chargés de projet FRRAP accompagnent la montée en compétence progressive des professionnels des établissements AHI partenaires sur les pratiques de repérage précoce, de prévention et de réduction des risques et dommages des consommations de substances psychoactives, en particulier l’alcool et le tabac, pour améliorer l’accompagnement des personnes soit dans une logique de réduction des risques soit vers le soin spécialisé en addictologie. 

Afin de pérenniser ces nouvelles postures et les liens noué avec le secteur de l’addictologie, ils accompagnent également les établissements volontaires à la modification de leurs documents institutionnels, à la structuration de partenariats formels avec les CSAPA et/ou CAARUD de leurs territoires et à la mise en place de projets autour de la réduction des risques (institutionnalisation de pratiques sociales conviviales entre les professionnels et résidents autour de la RDR, espaces de consommation contrôlée, campagnes d’affichage, autorisation de la consommation d’alcool dans une logique RDR…).

Des actions d’accompagnement des pratiques RDR : ateliers de sensibilisation, temps d’analyse et de fabrique de la pratique RDR alcool, entretiens supervisés...

pour s'adapter à chaque logique institutionnelle, à chaque équipe, en fonction de leurs priorités ou temporalités

Le projet prévoit d'accompagner l'intégration de l'approche de RdR Alcool, quelles sont vos observations et quelles sont les attentes des dispositifs ?

L’alcool est unanimement reconnu par les équipes partenaires comme la substance dont la consommation  pose le plus de difficultés dans la gestion du collectif en établissement ou dans l’accompagnement individuel des résident.es.

Les personnes consommatrices d’alcool accueillies dans l’AHI ont souvent fait l’expérience au cours de leur parcours d’une seule proposition de soin autour de l’abstinence, avec des résultats pas toujours concluants et parfois même douloureux notamment au niveau du renforcement de la honte et de la stigmatisation.

En tant que proposition de soin complémentaire et alternative capacitaire à la logique de l’abstinence, l’approche RDR Alcool favorise des postures professionnelles de non jugement et de rétablissement qui permettent à la personne de se sentir pleinement respectée et sécurisée dans son accompagnement.

L'approche RdR Alcool ouvre des portes nouvelles aux professionnels l’expérimentant dans le dialogue avec les résidents et dans des pratiques sociales plus conviviales en établissement.

Enfin, lorsqu’elle est maitrisée et bien coordonnée avec le secteur spécialisé, elle peut permettre de créer un continuum d’accompagnement précieux entre l’AHI et l’addictologie et favoriser ainsi des logiques de parcours bien structurées et adaptées aux cultures professionnelles des deux secteurs.

L'approche RdR Alcool apparait particulièrement adaptée au public consommateur accueilli dans le secteur de l'AHI

Quelles sont les perspectives envisagées à l'issue du projet ?

Notre but principal est d’autonomiser en 18 mois les équipes de professionnels de l’AHI que nous accompagnons dans leurs pratiques de repérage, d’orientation, de prévention et de réduction des risques. C’est un défi de taille pour installer le changement notamment compte tenu du turn-over dans notre secteur.

Nous travaillons donc à l’intégration de ces nouvelles pratiques sous l'angle institutionnel : documents, équipement des lieux via l’affichage et dans le renforcement des partenariats le secteur de l’addictologie.

Notre travail de plaidoyer, au niveau local et national, vise également à pérenniser des actions d’aller vers sur les territoires : formation continue des professionnels de l’AHI et des équipes mobiles de l’addictologie vers les résidents de l’AHI.

Nous nous appuyons sur un dispositif structuré d’évaluation d’impact qui suit l’évolution des compétences et du ressenti des professionnels ainsi que d’autres variables d'amélioration de la qualité : temps d’attente pour l’orientation vers le secteur spécialisé, nombre d’évènements indésirables en établissement liés à des consommations excessives, satisfaction des résidents etc…

Cette expérimentation peut répondre aux besoins d’autres typologies d’établissements qui nous sollicitent : secteur de l’asile ou du handicap. Nous sommes également sollicités par des instituts de formation pour que les étudiants intègrent le plus tôt possible des postures professionnelles inspirées de la réduction des risques.

Un objectif de pérennisation de la démarche RdR au sein des établissements partenaires

 

des perspectives de déclinaison à d'autres secteurs

Des nouvelles postures professionnelles à intégrer dans les formations

TEMOIGNAGE - retour d'expérience
Anne Debellefontaine, Infirmière.D.E, (CAARUD Axess) chargée de projet FRRAP - Montpellier

Qu'est-ce qui vous a donné envie de rejoindre l'aventure FRRAP ?

La raison pour laquelle les personnes consommatrices sollicitent les services sociaux et médico-sociaux, c’est qu’elles ont besoin de soutien et d’accompagnement pour améliorer leur santé et leur qualité de vie. Or, il semblait jusqu’à présent acceptable de demander à ces personnes d’aller bien avant de pouvoir être aidées, et de leur imposer des conditions de prise en charge au-dessus de leurs moyens, augmentant ainsi le sentiment d’échec, les ruptures dans le parcours et renforçant l’exclusion.

 J’ai trop souvent été témoin d’une mise à l’écart des personnes qui, à cause de leurs consommations, n’étaient pas acceptées dans les dispositifs d’hébergement et d’insertion ou n’arrivaient pas à tenir dans le cadre contraignant qui leur était imposé.

Le projet FRRAP propose une approche nouvelle et permet d’aborder le sujet dans le sens inverse. L’institution va ainsi s’ajuster à la spécificité des personnes consommatrices, permettant à chacun d’y avoir sa place. En intégrant le cœur des dispositifs, nous accompagnons les professionnels de terrain pour qu’ils adaptent leurs pratiques professionnelles aux objectifs et aux possibilités des personnes et les accueillent telles qu’elles sont. Intégrer ce projet innovant était pour moi une possibilité d’améliorer la prise en charge de tous.

Dans le projet FRRAP l'axe RdR alcool est décliné. Quelles sont les actions RdR Alcool que vous menez auprès des professionnels de terrain ?

Très pragmatique, la démarche RdR vise à mettre en place des actions concrètes sur le terrain. Sans juger et sans conseiller, le professionnel va faire avec les consommations et avoir une influence positive sur la santé du consommateur. L’accompagnement de FRRAP s’attache à déconstruire certaines représentations qu’ont les professionnels sur les consommations et les consommateurs et, par un apport de connaissances théoriques, à favoriser l’adaptation des dispositifs institutionnels et des pratiques professionnelles. Sur la RdR alcool en particulier, il permet de proposer des alternatives à la prise en charge habituelle qu’est le sevrage, en agissant sur les besoins spécifiques des consommateurs d’alcool, en matière d’alimentation, d’hydratation, d’aménagement des locaux…

Suite à vos observations, à quels besoins de terrain cette pratique répond elle ? pour le service ? dans la transformation des pratiques ? pour les personnes ?

Au fil des mois, nous sommes déjà témoin d’une évolution des pratiques. Certains établissements ont prévu d’autoriser les consommations d’alcool, les professionnels parlent plus facilement de consommation, les risques des consommations sont mieux repérés et des actions sont mises en place pour sécuriser les consommateurs.

Cette évolution montre qu’il est possible pour des professionnels d’assimiler en peu de temps des postures RdR qui améliorent les conditions d’accompagnement de façon concrète.

TEMOIGNAGE - retour d'expérience
Julien Perez, Educateur spécialisé  (CSAPA Les Capitelles) chargée de projet FRRAP - Gard

Qu'est-ce qui vous a donné envie de rejoindre l'aventure FRRAP ?

Educateur spécialisé de formation, avec des expériences principalement en addictologie. J'ai pu intervenir en tant que travailleur social en CAARUD et CSAPA puis en tant que chef de service en Centre Thérapeutique Résidentiel. C'est lors de cette dernière expérience que j'ai eu à faire un stage pratique de plusieurs mois en CHRS lors de ma formation de chef de service. J'ai pu alors me rendre compte des difficultés dans la prise en compte des consommations et l'accompagnement des personnes qui en découle, ainsi que des difficultés rencontrées par les équipes et les résidents.

Le projet FRRAP répondait alors à ce que j'avais pu repérer, et il me semblait important de pouvoir apporter une petite pierre à l'édifice, dans une meilleure approche de la RDRD Alcool, afin de ne pas stigmatiser les personnes consommatrices et d'éviter les ruptures de parcours.

 Ce projet répond à un besoin grandissant sur le terrain, les consommations sont là mais cachées, parfois massives et non discutées avec les équipes..

Notre intervention correspond à une modification des pratiques sur le côté Sécurité, Accueil inconditionnel et Bien-être.

Dans le projet FRRAP l'axe RdR alcool est décliné. Quelles sont les actions RdR Alcool que vous menez auprès des professionnels de terrain ?

J'interviens auprès des professionnels de 6 établissements sur le secteur Nîmois et Alésien, les actions RDRD Alcool s'articulent autour d'ateliers de sensibilisation à destination des professionnels (Présentation de la RDRD, comment parler d'alcool, les besoins physiologiques liés à l'alcool...), d'analyse de la pratique spécifique RDRD, d'entretiens accompagnés et de temps de présence sur site où je peux être sollicité par les équipes au besoin.

Suite à vos observations, à quels besoins de terrain cette pratique répond elle ? pour le service ? dans la transformation des pratiques ? pour les personnes ?

Ce qui entraine des temps de sur et sous alcoolisation problématiques pour les personnes accompagnées et pour les services qui les accueillent. En s'appuyant sur les missions 1ere du secteur AHI, notre intervention correspond à une modification des pratiques sur le côté Sécurité, Accueil inconditionnel et Bien-être. Nous tendons à soutenir les équipes afin qu'elles puissent avoir une réflexion sur l'autorisation et l'accueil avec alcool autour de projets dédiés et dans la création de ponts avec le secteur de l'addictologie. Ainsi qu'auprès des personnes accueillies pour qu'elles se sentent plus à l'aise avec le fait de consommer de l'alcool et pouvoir en parler avec les professionnels qui les accompagnent sans se sentir jugé, mis de côté ou en ayant une crainte d'arrêt de séjour.

novembre 2022

Thomas, Elsa, Estelle
Regards sur la RdR Alcool

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la RdR Alcool, 

du côté des personnes accompagnées

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Csapa Maison Jaune / Groupe SOS Arles

CSAPA Groupe SOS [Arles]

Témoignages Julie Berthet et Stéphanie Tanielian,

Infirmière et Educatrice Spécialisée au CSAPA Arles.

Le CSAPA d'Arles a participé à l'expérimentation de la méthode IACA projet soutenu par le Fonds de Lutte contre les Addiction 2020-2022

Juillet 2020

Julie, infirmière et Stéphanie, éducatrice spécialisée travaillent ensemble au CSAPA d’Arles. Alors qu’elles sont dans leur train-train quotidien, leurs cheffes leur proposent de tenter une expérimentation sur la Réduction des risques alcool avec l’Association Santé !

Pourquoi elles ? Allez savoir … !!

Julie à fond dans les dossiers bien tenus, toujours à jeter un coup d’œil sur les bobos des personnes. Stéphanie qui n’a pas un grand intérêt pour les écrits et qui tutoie tout le monde…

Et bien ce n’était pas gagné pour ce binôme mais il leur a fallu peu de temps, pour comprendre qu’elles étaient au bon endroit.

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Il était une fois...

Présentation du binôme1.png

Année 2021

Julie et Stéphanie se lancent dans les premiers entretiens et recrutent alors neuf personnes dans l’aventure IACA. Elles passent alors par l’appréhension, le questionnement, l’euphorie, l’hésitation, l’engagement …

Et c’est là que leur accompagnement auprès des personnes avec des consommations d’alcool s’est modifié au fur et à mesure.

Aujourd’hui, vous les voyez déambuler de manière instinctive, dans les couloirs du CSAPA, avec leur sac à dos telles des exploratrices de la RDRA.

Mais elles ne sont pas seules dans cette histoire … Il y a les personnes qu’elles accompagnent et qui racontent au fil de l’aventure qu’elles ont moins de honte et de culpabilité, qu’elles trouvent un équilibre de vie, et qu’elles prennent moins de risques.

Il y a des embuches, des chemins différents, des réajustements, mais surtout des personnes qui posent un autre regard sur elles-mêmes, entendent d’autres mots, retrouvent une identité auprès de leur entourage et de la société.

En 2022

Julie et Stéphanie n’ont rien lâché et continuent d’accompagner d’autres personnes avec la méthode IACA.

Elles ont même acheté du matériel RDRA : des gourdes, des bouchons à cannettes, des verres à vin et à bières, des casquettes (Ben ouais … c’était l’été !)

Elles ont pu installer un frigidaire au sein du CSAPA, avec des boissons avec et sans alcool, avec et sans sucre (Ben ouais …l’infirmière !)

Et on ne vous parle même pas des discussions qu’elles ont eues en équipe et qui sont loin d’être finies (Ben ouais … les questionnements, les désaccords … Le travail en équipe quoi !)

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Tout ça pour vous dire ...

que Julie et Stéphanie sont toujours motivées. Elles sont même allées jusqu’à intervenir au Congrès de Fédération Addiction à Grenoble … Un Congrès quoi !! Elles ont beaucoup stressé avant, mais aujourd’hui, il parait qu’elles sont beaucoup plus à l’aise pour parler de RDRA avec les partenaires et dans les institutions.

octobre 2022

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URIOPSS PACA et Corse [Marseille]

Témoignage  Claire Journou 

Conseillère technique - Personnes âgées.

L'URIOPSS PACA  anime un groupe de travail pour intégrer la démarche de RdR Alcool et outiller les professionnels intervenant au domicile des personnes âgées.

Présentation des objectifs et  des futurs outils RdR Alcool / personnes âgées - en cours d'expérimentation 

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Dans quel contexte l’URIOPSS PACA et Corse a souhaité porter un projet autour des questions d’alcool ?

Lors de divers échanges que nous avons eus avec nos adhérents du secteur des personnes âgées (associations du secteur privé non lucratif), ceux-ci nous ont fait part de leurs difficultés à accompagner ces personnes vulnérables, particulièrement à domicile : manque de connaissances, manque d’outils, difficultés à coordonner les prises en charges, etc. En effet la consommation d’alcool est souvent identifiée comme une problématique « addicto » et donc décloisonnée des autres domaines du parcours de vie. De sorte que la consommation d’alcool chez les personnes âgées passe souvent sous les radars.

Nous avons repéré un manque sur lequel nous pouvions peut-être travailler.
C’est dans ce contexte, que l'URIOPSS PACAC a sollicité l’association Santé!, Ainsi, en partageant nos constats, nous avons commencé à concevoir ce projet.

Comment s’est mis en place le projet et quels sont vos partenaires sur cette action ?

L’URIOPSS PACAC a coordonné le projet en y associant les partenaires locaux pouvant être mobilisés sur cette question. Ainsi, nous avons souhaité logiquement sollicité les MAIA (Méthode d’Action pour l’Intégration des services d’aides et de soins dans le champ de l’Autonomie) à notre réflexion. Leur double compétence d’animation auprès des acteurs du secteur personnes âgées et la gestion de cas nous a semblé idéale pour débuter un processus de projet.

Nous avons également souhaité associer à notre groupe de travail, le DICAdd 13 (aujourd’hui ARCA Sud) pour compléter les membres de ce groupe de travail.

A partir de l’expertise de terrain des gestionnaires de cas MAIA, des professionnelles de Santé! et du DICAdd13,  des pistes de travail ont été identifier identifié  :

  • Déconstruire les idées reçues et les fausses croyances sur la consommation d’alcool, pour en premier lieu, recentrer le regard sur la personne et ses besoins ;

  • Outiller les professionnels réalisant des évaluations à domicile, pour aborder systématiquement, et sans jugement de valeur, la consommation d’alcool ;

  • Sécuriser la situation des personnes âgées consommatrices d’alcool, par des actions ne nécessitant pas une expertise en addictologie et réalisées, par les professionnels qui les accompagnent dans leur quotidien.

Quelles seront les productions attendues ?

​Nous avons conçu un kit d'information et conseil, que nous avons souhaité le plus complet possible. Il permet d’identifier les éventuels risques liés à la consommation d’alcool, pour y répondre par des actions concrètes, afin de minimiser ces risques. L’objectif est qu’il soit utilisé par tout professionnel réalisant des évaluations au domicile des personnes âgées.

Cet outil pratique contient :

  • Une présentation des objectifs : « Kit de repérage des besoins spécifiques des personnes âgées consommatrices d’alcool » 

  • Un document explicatif du modèle de réduction des risques,
    « Fiche de sensibilisation pour l'intervention auprès de personnes consommatrices d'alcool dans une logique de réduction des risques »;

  • Un outil d’évaluation « Guide de repérage des besoins des personnes consommatrices d'alcool dans une démarche de réduction des risques »  complété d'une  Notice d’utilisation 

  • Une fiche pratique pour mettre en place des réponses aux besoins identifiés « Fiche Actions de premier recours de réduction des risques alcool ».

 Où en êtes-vous actuellement ?

Le kit est actuellement en phase de test pour repérer les améliorations à apporter avant une diffusion large.. Les gestionnaires de cas de la MAIA du pays salonais se sont emparés du kit, à notre sollicitation, pour l’intégrer à leurs évaluations.

Leurs retours à l'issue d'une phase test de 3 mois, nous permettront de réajuster le kit, en fonction de leurs expériences d'utilisations et leurs commentaires.

Quand et comment prévoyez vous de diffuser les outils réalisés ?

L’URIOPSS PACAC souhaite diffuser largement ce kit, afin d’apporter un appui aux professionnels, dans l’objectif d’améliorer la qualité de vie des personnes âgées consommatrices d’alcool.

Cette communication s’appuiera sur notre réseau de diffusion, et nous l’espérons, ceux de nos partenaires, pour que cet outil puisse être partagé au maximum.

La diffusion est prévue dans le courant du 1er trimestre 2023.

octobre 2022

Uriopss PACA et Corse
Association Le Lien Libourne

Association le lien [Libourne]

Témoignages Anne-Lucie HAY et Chloé HAMARD,

Educatrice Spécialisée et Conseillère ESF, CHRS Le Lien - Libourne 

L'association Le Lien a participé à l'expérimentation de la méthode IACA projet soutenu par le Fonds de Lutte contre les Addiction 2020-2022

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Nous avons été formées et accompagnées pendant de nombreux mois par l'association Santé!. Intégrer l'approche RdR Alcool demande du temps pour se poser, réfléchir à notre propre pratique et pour le coup, de la modifier.

" Aujourd’hui, je ne me vois plus utiliser les mots « alcoolique » ou « il a un problème d’alcool ». J’ai pris la mesure de l’impact qu’ont ces mots pour les gens que j’accompagne. Ils sont déjà stigmatisés et montrés du doigt toute la journée, la culpabilité fait partie de leur quotidien."

"Aujourd’hui je souhaite qu’ils puissent avoir un espace libre de parole et sans jugement autour des consommations d’alcool »

« Parler autrement. Accueillir autrement. Accompagner autrement. Cette approche RdR nous permet, à travers le quotidien partagé sur les résidences où nous travaillons, d’être vigilants et en alerte notamment en termes de besoins vitaux (hydratation, alimentation, sommeil).

"Je ne questionne plus la quantité des consommations mais les habitudes de consommations".

On s’est rendues compte qu’en travaillant autour des modes de consommation et des conditions de vie cela améliore l’environnement des personnes et, au final, leurs consommations diminuent »

Retour sur expériences

Cette vidéo est réalisée par l'équipe de l'association Le Lien (Libourne) qui a contribué à l'expérimentation et au déploiement de la méthode d'intervention RdR Alcool "IACA". Elle illustre dans une logique "avant/après" les principaux axes de la méthode.

Vidéo réalisée en interne dans le cadre des journées d'échanges entre professionnels de l'association Le Lien.

d'autre vidéos et + de détails sur le site de l'association

septembre 2022

Association Eole [Lille]

Témoignage de Sylvie GadeyneChargée de mission santé.

Association EOLE - Lille - sept 2022

Projet : « RDR d’abord ! Pour une nouvelle approche des consommations »

La mission d’Eole est d’héberger et d’accompagner les personnes en situation d’exclusion sociale (femmes, hommes, familles, couples…). L’association EOLE, c’est 14 établissements et 7 pensions de famille pour 116 places, 433 places d’hébergement pour le pôle inclusion sociale.

Depuis plus de deux ans, les services d’hébergements hommes expérimentent une démarche Réduction des Risques alcool.

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Retours sur cette expérience :

Association Eole Lille

Dans quel contexte s'est mise en place la réflexion sur la consommation d'alcool et son autorisation à Eole ?

Avant de mettre en œuvre une démarche RDR, une réflexion sur les pratiques d’accueil et d’accompagnement des personnes en difficulté avec leur consommation d’alcool a été initiée dans le cadre d’une recherche accompagnée par un sociologue. Grâce à un financement de la MILDECA, un état des lieux a été réalisé auprès de l’ensemble des services de l’association. Il met en lumière que les règlements de fonctionnement prévoient une interdiction de la consommation d’alcool mais que celle-ci n’est pas adaptée. Les équipes constatent que les personnes renoncent parfois à l’hébergement ou alors quand elles sont hébergées, cachent leurs consommations de peur d’être sanctionnées.

Au fil de la réflexion, les équipes remettent de plus en plus en cause l’interdiction d’alcool et mettent en avant les questions éthiques qu’elle pose. La mission première de l’hébergement est de répondre aux besoins des personnes, et pourtant le sujet de l’alcool est source de difficultés et de paradoxes. Certains professionnels expriment avoir l’impression de faire du flicage et du contrôle plutôt que d’être à l’écoute des personnes et de leurs besoins.

L’étude menée aboutit à la préconisation d’engager une démarche de réduction des risques alcool au sein des hébergements et de l’association. La crise sanitaire, et notamment le 1er confinement très strict, vient accélérer le processus. Etant donné l’urgence de la situation et la volonté de sécuriser les personnes consommatrices, il est décidé d’autoriser la consommation d’alcool dans les chambres avec un protocole reprenant les préconisations lancées par la FAS et la Fédération Addictions. C’est une étape significative du projet ! A la fin du premier confinement, les équipes et la direction décident de poursuivre cette autorisation.

Quelles ont été les étapes du projet ?

Tout d’abord, ce projet prend naissance grâce à la motivation de Carole Millan et Céline Parent, cadres socio-éducatives. Formées et expérimentées dans les pratiques RDR, elles sont convaincues et motivées à répondre aux besoins des publics ! Elles travaillent de concert avec la direction sur le sujet et soutiennent les équipes dans leur réflexion tout au long du projet.

Depuis deux ans, les équipes des deux services se forment et travaillent ensemble pour définir et mettre en œuvre l’approche RDR. Plusieurs séminaires de travail et des formations avec l’association Santé ! situé à Marseille ont permis d’échanger, de construire les contours de la RDR. Tous les professionnels y participent (travailleurs sociaux, agents de propreté, veilleurs de nuit, secrétaires) et donnent leur avis sur les idées à développer. Chacun a eu droit à la parole et la démarche est co-construite de manière coopérative et dans l’accompagnement au changement. Désormais, la consommation est autorisée de 7h à 21 heures, des boissons alcoolisées peuvent être proposées lors des animations festives proposées dans le service. Dans le souci de réduire les risques liés à la déshydratation, des fontaines à eau avec des sirops sont mis à disposition de tous les résidents.

Quels ont été les résultats, pour les personnes, pour l'association et les professionnels ?

Au démarrage de l’autorisation de consommer de manière encadrée, les équipes et les résidents sont parfois dans la crainte qu’il y ait des excès de consommations, des débordements. Aujourd’hui, plus personne ne remet en cause l’intérêt de l’autorisation de la consommation d’alcool. Là où on pensait que la consommation allait augmenter, elle a, au contraire, diminué ou est plus maîtrisée. Comme en témoignent les personnes interviewées dans un petit film qui a été présenté lors de notre assemblée générale, elles ne sont plus contraintes à boire beaucoup avant de rentrer par peur d’être en manque. Les personnes se sentent plus en sécurité (bagarres, chutes…) et ne doivent plus supporter le regard réprobateur des passants.

En fait, la RDR a permis un véritable changement de paradigme à la fois dans le regard des équipes sur les personnes consommatrices, sur les postures éducatives et sur les pratiques d’accueil et d’accompagnement des personnes consommatrices. La consommation n’est plus un sujet «tabou», la parole est plus libérée car la honte, la peur de l’échec ou la culpabilité sont beaucoup moins présentes. Plutôt que centrer l’accompagnement sur l’arrêt d’alcool, les professionnels orientent leur écoute sur les fonctions de la consommation et les besoins de la personne sans pour autant exclure totalement l’arrêt.

L’enjeu est désormais d’évaluer les résultats de cette expérimentation, d’en tirer les enseignements utiles et de pérenniser cette pratique en l’inscrivant dans les projets de service ainsi que dans l’ensemble des documents d’accueil et d’accompagnement des résidents comme des salariés (chartes, protocole, règlement…).

Et aujourd'hui ?

Cette expérimentation a eu beaucoup d’effets positifs et va servir de base de réflexion pour être déployée dans les autres services d’hébergement sans pour autant la standardiser. L'action s'amplifie avec le soutien du Fonds de lutte contre les addictions ayant retenu le projet de l'association Eole dans le cadre d'un Appel à Manifestation d’Intérêts en 2021. L'association Eole est donc aujourd'hui dans une logique de capitalisation et d'essaimage dont l’enjeu principal est d’inscrire durablement la RDR dans sa stratégie associative. 

A cette occasion, j’ai rejoint ce projet en qualité de Chargée de Mission Santé pour piloter cette nouvelle phase de déploiement. Mon rôle est de rendre lisible la stratégie RdR de l'association et d’accompagner les équipes dans sa mise en œuvre. J'interviens également auprès de nos partenaires pour présenter et articuler ces nouvelles orientations. Pour nous accompagner sur ce projet, nous avons poursuivi notre partenariat avec l'association Santé ! qui met à notre disposition son expertise, sa méthodologie et ses outils sur l'approche RdR Alcool.

Cette nouvelle phase de déploiement nous mènera jusqu'en 2024, où je l'espère nous pourrons alors évaluer de manière positive les évolutions et l'ancrage de nouvelles pratiques et proposer aux personnes accueillies à Eole des solutions plus adaptées à leurs besoins.

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vers l'article consacré au projet dans le n°3267 sur le site des ASH

Alcool : ni saveurs ni censeurs - " La réduction des risques au cœur du métier"

septembre 2022

Association Habitat Alternatif Social [Marseille]

Emission - 33 min 

Cette émission réunit l'équipe de l'association Habitat Alternatif Social (Marseille) et Emmanuelle Latourte  en charge de développer de nouvelles pratiques en réduction des risques alcool à l'association Santé! (Marseille).

Elle ouvre le débat sur la pertinence d'accueillir avec alcool dans les structures d'accueil et d'hébergement collectif pour rendre ces lieux inclusifs

Association H.A.S. Marseille
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